Nos coeurs ont battu à 120 BPM

Le film 120 BPM, retrace l’histoire de quelques militants d’Act-Up.

Comme le précise l’un de ses membres dès le début du film, Act-Up est une association d’homosexuels en lutte contre le sida. « Ce n’est pas une association de soutien aux malades. »

Ce long-métrage nous fait vivre, à travers l’histoire singulière de quelques-uns de ses membres, une page de l’histoire de l’association et de ses modes de fonctionnement.

Ce qui nous frappe d’emblée, c’est l’énergie des personnes directement concernées, leur désir de vivre et de se battre contre la maladie – le virus, le sida -, contre la société.
Ces personnes sont jeunes, et pour nombre d’entre elles contaminées par un virus dont on ne sait à l’époque que peu de choses.
Dans les années 80, au début de l’épidémie, elles sont condamnées à mourir faute d’existence de traitements efficaces.

Ce film nous montre comment ce sont leur détermination, leur colère, leur audace qui ont permis de bousculer les codes de communication, les rapports de force avec  les compagnies pharmaceutiques, les pouvoirs publics, les soignants. Comment cette revendication des malades, qui veulent avoir prise sur leur destin, sur les choix qui les concernent, a été un levier pour les maintenir en vie. Comment leur lutte, la visibilité qu’elles ont donné à la maladie, aux discriminations dont elles étaient l’objet, ont fait avancer la société dans la prise en compte de cette épidémie.

Ce combat, cet empowerment* ont été à l’origine de l’élaboration de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner du 4 mars 2002.

Cette loi a été essentielle car elle a donné aux personnes la possibilité de prendre les décisions concernant leur santé, et la possibilité de refuser ou d’interrompre un traitement même si cette décision met leur vie en danger.

Cette loi précise que « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée.

Les professionnels de santé mettent en œuvre tous le moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort ».

Par ailleurs, elle institue la possibilité de nommer une personne de confiance qui pourra être consultée au cas où la personne ne serait plus en état de s’exprimer.

Ces articles renforcent ceux de la loi du 9 juin 1999, visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et la lutte contre la douleur.

Jusqu’à l’arrivée des multi-thérapies, combinaison de traitements efficaces contre le VIH, les acteurs de soins palliatifs soignants ou bénévoles, se rappellent avec émotion de l’arrivée dans leurs services de ces malades jeunes, dans des états extrêmement dégradés et avec une très courte espérance de vie.

Ils se remémorent leurs revendications, parfois bruyantes et violentes, à bénéficier de traitements contre la douleur, d’avoir accès à des médicaments pour lutter contre leur maladie, même si parfois ceux-ci n’avaient pas encore reçu l’AMM (autorisation de mise sur le marché). Il y avait urgence à vivre et à lutter pour vivre. Comme c’est dit par l’un des personnages dans le film « c’est nous les malades, c’est nous qui allons mourir ».

À ce moment là, comme le rappelle Daniel Defert (fondateur de l’association Aides) dans une interview dans Libération du 19 février 2017 : « Quand je pense aux années AIDES où l’on mourait beaucoup, ce que l’on souhaitait alors, ce n’était pas d’accommoder les conditions de la mort, mais c’était de vivre. Vivre et combattre surtout la maladie, plutôt que mourir.»

Ce film témoigne de cette vitalité, de cette révolte, de cet amour de la vie contre la mort annoncée.

Il nous démontre aussi de façon directe et parfois spectaculaire que c’est la détermination de quelques-uns qui a suscité une mobilisation sans précédent des soignants et de la société civile qui a permis de juguler les risques liés à cette épidémie.

L’avènement des soins palliatifs est le fruit de cette même détermination des pionniers, qui ne supportaient plus les conditions de fin de vie en France dans les années 1980.

Depuis la promulgation de loi du 9 juin 1999, visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et la lutte contre la douleur ce militantisme initial, cette lutte se sont peu à peu émoussés.
Aujourd’hui encore, près de 20 ans après la promulgation de la loi, près de 80% des personnes qui auraient besoin de bénéficier de soins palliatifs en sont exclus du fait d’inégalités territoriales, du manque de formation de soignants, du manque d’information générale. Et cela est vrai encore aujourd’hui, en 2017. Cela n’est pas tolérable.

À nous, de reprendre le flambeau, à nous de continuer à être d’efficaces acteurs des soins palliatifs mais aussi de redevenir des acteurs militants de la culture palliative.

Signons tous le manifeste : On meurt encore mal en France. Réagissons.

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* définit le développement du pouvoir d’agir des individus et des groupes sur leurs conditions sociales, économiques ou politiques