La bonne mort existe-t-elle? (2)

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Synthèse de l’après-midi rédigée par Françoise Desvaux bénévole de l’ASP fondatrice. Les photographies sont de François Mayu.

Le deuil en USP. Anne-Marie Trébulle, Directrice des soins à la Maison Médicale Jeanne Garnier

 AMTLa Maison Médicale existe depuis 140 ans, elle accueille 1 200 malades avec 80 lits et comptabilise environ 1 100 décès par an.
Historiquement créée par les Dames du Calvaire qui vivaient avec les personnes incurables, l’esprit est demeuré.

Les personnes malades et leur famille:
Les USP sont réservées en priorité aux situations complexes. Lors de l’admission du malade, l’équipe s’informe sur les habitudes du malade qui sont prises en compte. Certains malades ne savent pas qu’ils sont en soins palliatifs mais pensent qu’ils entrent en maison de repos. Le premier objectif est de rétablir la vérité.

Les malades qui rentrent actuellement en SP , rentrent très tardivement (la durée moyenne de séjour est 21 jours, la médiane est de 10 jours).  Ces malades sont dans l’intensité de la relation.

 

La famille doit être questionnée : qui a demandé l’admission dans ce service ? la famille est-elle dans le déni ? la famille a-t-elle respecté la volonté du malade ?
Lorsqu’il y a de jeunes enfants, les visites leurs sont facilitées grâce à des endroits dédiés.
Il n’y a pas d’horaire ni d’âge pour les visites.

Après le décès de la personne, la chambre du défunt est gardée inoccupée pendant 48 h (la loi permet de garder un malade défunt pendant 15 heures – 2 heures dans les hôpitaux).
L’accompagnement des familles détermine souvent la façon dont va se passer le deuil.

La mort :
La mort n’est pas cachée par l’équipe soignante. Les soignants préparent et habillent les personnes décédées ce qui leur permet un accompagnement final de la personne et de rendre pour les familles la mort moins dramatique.
Une formation est donnée aux soignants pour que les rites des cultures des défunts soient respectés (4% des familles sont de religion catholique, les autres sont en majorité de religion  musulmane et juive).
Il est important que les familles ne soient pas abandonnées. Une cérémonie est organisée quatre fois par an pour les familles (messe ou apéritif).
L’accompagnement après le décès:
L’association des Dames du Calvaire a créé un pôle Deuil où elle propose :

  • un soutien individuel ;
  • un « café-deuil » ;
  • deux conférences par an ;
  • des flyers d’information sur l’accompagnement du deuil ;
  • un livret pratique sur les démarches à faire.

Les professionnels:
Les USP sont des lieux où les équipes s’occupent des vivants et qui vit au rythme du patient.
La confrontation avec la mort au quotidien est lourde d’où l’importance du travail en équipe pluridisciplinaire afin d’avoir la possibilité de parler, de penser, de s’exprimer au sein de l’équipe.
L’équipe est à la fois une force et une faiblesse. Certains soignants doivent être assistés et il faut veiller au renouvellement des équipes pour éviter le burn-out.
La nouvelle loi Claeys-Leonetti pose des problèmes car des malades réclament la sédation parce qu’ « ils y ont droit ».

Le deuil après une mort brutale. Christine Niermaréchal, Psychologue clinicienne à Bruxelles

MVChristine Niermaréchal est psychologue clinicienne et a treize années d’expérience dans une association d’aide aux victimes.

La mort brutale est souvent associée à un grand traumatisme. Il peut s’agir d’agressions, d’accidents, de catastrophes naturelles. Bien souvent, la mort s’accompagne de multiples mutilations. Lors de catastrophes naturelles, à la mort des personnes s’ajoute la perte de tous les biens.
Ces morts peuvent toucher des enfants, des populations civiles, parfois les corps ne sont pas retrouvés ou partiellement retrouvés. Les morts ont parfois été enterrés dans des sépultures succinctes, ou des charniers ou pas de sépulture du tout.
Les suites des morts par assassinat sont particulièrement dramatiques. Elles provoquent parfois une volonté de vengeance, de justice, de réparation. Parfois la justice est réparatrice et favorise le processus de deuil.

Il est important de mette en place des pratiques collectives de reconnaissance de la mort : ces pratiques collectives que l’on peut observer lors d’attentats ou de catastrophes naturelles donnent un sens philosophique et social à la mort.

Lors de ce type de décès, il faut veiller à ce  que les proches de la personne puissent être pris en charge très rapidement et de préférence avant le premier sommeil. Il n’y a pas de hiérarchie dans la souffrance. Dans le cas d’un malade on peut se préparer, anticiper, lors d’une mort violente il n’y a pas de place pour l’anticipation.
La soudaineté paralyse, tous les repères tombent et cela mène à une perte de contrôle.
Il est également important de soutenir ceux qui ont assisté à des actes de mort violente.

Il y a environ 30.000 familles endeuillées en France dont 8.000 sont impliquées dans des suites judiciaires. Dans les cas d’investigations judiciaires et de demandes d’autopsie, les proches n’ont pas accès au corps du défunt.

Les modalités d’annonce du décès influent également sur le processus du deuil. Il faut autant que possible apporter aux proches des informations sur la procédure et les résultats des procédures.
Ces grands traumatismes peuvent provoquer un état de confusion mentale.Le deuil ne nécessite pas forcément une thérapie mais une écoute.

Les français et le deuil. Tanguy Châtel – Sociologue

TCTanguy Châtel est sociologue, administrateur de la SFAP et bénévole d’accompagnement à l’ASP fondatrice.

Une enquête scientifique a été réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), la chambre syndicale nationale de l’art f unéraire (CSNAF) , avec le soutien de l’ASP fondatrice et de la SFAP afin de disposer de données statistiques, larges, objectives et globales sur conséquences du deuil. Cette enquête a été menée sur un échantillon de 3.000 personnes et 28 entretiens approfondis ont été menés.
Le nombre de décès en France est de 600 000/an, il sera de 750 000 en 2040, soit une augmentation de 25%. Le nombre des personnes affectées par un décès était inconnu  cette enquête est une première en France.
Un premier résultat indique que 85 % des personnes interrogées ont été marquées par un décès qui les a particulièrement affectées avec des impacts significatifs :

  • 33 % conséquences psychologiques ;
  • 46 % en activité professionnelle ;
  • 42 % se considèrent encore en deuil aujourd’hui.

Le deuil n’est pas un accident ou un évènement exceptionnel mais une réalité ordinaire.

Quatre  éléments principaux sont importants à connaitre sur le deuil :

  • le deuil dépend de l’accompagnement du décès ;
  • le deuil dépend des opérations funéraires ;
  • le deuil se caractérise par une grande diversité dans les conséquences sur la vie ;
  • les ressources qui aident à mieux vivre un deuil.

 

Les circonstances de la fin de vie :
La mort est un évènement qui rythme la vie sociale. Le défi est de reconsidérer le deuil comme un évènement normal et social.
Le caractère choquant du décès ne suffit pas à le considérer comme marquant mais ce sont les liens affectifs et très profonds de la personne qui laisse une empreinte indélébile.
La soudaineté ou la prévisibilité : les décès inattendus sont souvent les plus choquants.

Impact des circonstances d’une fin de vie sur le deuil des proches :

  • avoir été entouré ;
  • avoir peu ou pas souffert
  • avoir pu rester en lien
  • avoir été bien pris en charge par les soignants.

Le lieu du décès n’est pas déterminant. Par contre les conditions de l’annonce sont déterminantes (par les professionnels, par les proches).

Conséquences marquantes :

  • 91 % : une souffrance intense et forte ;
  • 86 % n’ont pas fait leur deuil au bout d’un an ;
  • 56 % se sont vu prescrire un arrêt de travail dont 32 % de plus d’un mois.

 

DL

Après cette journée dense, Danièle LECOMTE conclut  qu’en matière de deuil, la première ressource est l’accompagnement humain.

 Jean-François COMBE clôture cette journée en remerciant chaleureusement les participants, les intervenants, les organisateurs et l’Hôpital Saint-Joseph qui a gracieusement prêté ces locaux, sans lesquels cette journée n’aurait pu avoir lieu.